Allocution
Dr. Joseph Torbey
Président - Union mondiale des banquiers arabes
Président – Association des Banques du Liban
À
la deuxième Conférence EU-MENA PSD
OCDE – Paris
19-20 septembre 2016
La session inaugurale de la 2ème édition du PSD EU-MENA organisée par l'Union des banques arabes, en coopération avec le Groupe d'action financière (GAFI), la Fédération bancaire française et la Fédération bancaire européenne, a eu lieu aujourd'hui, lundi, 19 Septembre 2016 à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à Paris / France.
Y ont participé: Le gouverneur de la Banque centrale du Liban, M. Riad Salameh, le président du conseil d'administration de l'Union des banques arabes, Sheikh Mohammad Jarrah Al Sabah, le président de l'Union mondiale des banquiers arabes et président de l'Association des banques du Liban, Dr. Joseph Torbey, le Secrétaire exécutif du Groupe d'action financière (GAFI), M. David Lewis, le Secrétaire général adjoint de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), M. Douglas Frantz , ainsi que des personnalités éminentes du monde bancaire et financier de la communauté internationale.
Cette 2ème conférence a abordé deux aspects: Les Normes d'information communes (CRS) - échange automatique d'informations sur le compte financier, ainsi que la réduction des risques liés à l’interruption des relations avec les banques correspondantes.
Dr. Joseph Torbey, Président de l'Union mondiale des banquiers arabes et président de l'Association des banques du Liban a prononcé le discours suivant :
Excellences, Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi un honneur de m’adresser à vous au sein de l'OCDE à Paris, dans cette conférence qui est tenue par notre Union des Banques arabes, en coopération avec la Fédération Bancaire Française, la Fédération Bancaire Européenne et la FATF. Vous voir tous ici, venus des quatre coins du monde, est un signe clair de l’importance que nous attribuons aux sujets d’actualité, qui sont la lutte contre l’évasion fiscale par voie de l’échange automatique des renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale, ainsi que la réduction des risques liés à l’interruption des relations avec les banques correspondantes.
Ces deux sujets sont d'actualité parmi les autres défis qui confrontent les banques dans leur nouvelle mission comme fer de lance dans la lutte contre le crime, la corruption, le blanchiment d'argent et finalement l'évasion fiscale.
Notre secteur bancaire arabe est conscient de ses responsabilités dans ce domaine. L'intérêt de nos banques est d'être des acteurs actifs dans cette lutte sans merci contre l'argent sale. Nous partons de la conviction que l’évasion fiscale constitue un danger qui affaiblit nos économies et nos sociétés et mène à l’augmentation des inégalités entre nos concitoyens et vont à l’encontre des intérêts du reste du monde. À ce niveau, nous saluons sincèrement l’OCDE dans son entreprise de lutter contre l’évasion fiscale en amenant les pays du monde entier à coopérer et à établir une approche standardisée au sein du Forum mondial pour échanger les renseignements d’ordre financier et fiscal.
Cependant, malgré la conjoncture actuelle du monde arabe, plusieurs de nos pays ont rejoint le Forum mondial, fort à présent de ses 133 membres: je cite le Bahreïn, le Koweït, Qatar, l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabe Unis et dernièrement le Liban.
Mesdames et Messieurs,
Il faut rappeler que plusieurs de nos pays arabes vivent une guerre qui traîne depuis cinq ans, mettant leurs populations en danger d’exode et d’anéantissement. L’Iraq, la Syrie, le Yémen, la Libye sont touchés directement par des destructions quotidiennes de leurs économies, infrastructures et population, et d’autres pays arabes sont impliqués indirectement dans cette guerre fratricide. L’intervention militaire des grandes puissances dans ces évènements montre leur degré de danger et leur impact sur l'avenir de la région et du monde.
Dans ce contexte, nos banques doivent opérer, faisant face aux risques géopolitiques et sécuritaires, ainsi que leurs soucis de se conformer à la réglementation internationale pour garder la relation entre les finances locales et les marchés internationaux. Nous sommes conscients de l’importance de notre mission surtout que nous avons à faire face au quotidien à des défis qui sont en relation avec les finances des milices et organisations qui mènent la guerre dans nos pays et notre région.
Les banques arabes ont levé les défis et déploient des efforts continus pour rester en conformité avec les réglementations de l’industrie bancaire internationale. Ces efforts sont récompensés en général par le déroulement normal des relations bancaires avec les banques correspondantes, malgré que certaines banques arabes rencontrent des difficultés dans ce domaine-là pour des raisons qui leur échappent, que ce soit l’insuffisance du nombre des transactions ou du degré du risque du pays où elles opèrent. Une terminaison de la relation bancaire avec les banques correspondantes constitue un risque majeur qui menace la capacité de ces banques à fournir des services financiers à leurs pays, et met fin à leurs activités au sein de leurs économies déstabilisées. Le shadow banking (la finance de l’ombre) vient alors combler le vide. Sur ce plan, nous tenons à ce que nos pays sauvegardent leur relation avec les banques correspondantes. En s'acquittant de nos obligations sur le plan de la conformité, nous sauvegardons nos relations avec le reste du monde, et contribuons ainsi à la prospérité économique de nos pays, qui constitue une arme contre la pauvreté et le dérèglement dans notre région, puisqu’elle contribue à faciliter l’inclusion financière et le développement humain durable. L’important en définitive, est que notre secteur financier demeure concentré sur sa finalité, celle de servir nos économies et de faire progresser nos économies.
Mesdames et Messieurs,
Pour revenir à mon pays, le Liban, qui vit des moments dramatiques à cause de la guerre qui se déroule sur ses frontières avec la Syrie, il subit le fardeau accablant du flux migratoire de 1.5 millions de réfugiés syriens, représentant à l'heure actuelle environ 40% de sa population. Pour pallier à leurs besoins, le pays - à la base pauvre en ressources et surendetté - verse des milliards de dollars en réponse à la demande croissante de services publics, de santé et d’éducation.
Toutefois, fort d’un système bancaire solide et bien réglementé qui lui a épargné les conséquences désastreuses de la crise financière mondiale, le Liban a maintes fois démontré sa conformité aux règlementations internationales en adoptant par exemple les règlementations de BaleIII, le IFRS9 et les exigences de la loi américaine FATCA. De plus, le Liban qui s'est officiellement engagé en date du 11 mai 2016 à mettre en œuvre l’échange de renseignements, conformément à la Norme commune de déclaration de l’OCDE, prouve son engagement dans cette voie de la coopération, malgré que le pays doit faire face à des difficultés majeures pour matérialiser cet accord par des lois, à cause de la paralysie quasi-totale qui frappe les institutions constitutionnelles et la vie politique du pays : échec depuis deux ans de l’élection d’un Président à la tête de la République libanaise, fermeture du Parlement qui ne se réunit pas, et paralysie du gouvernement dû à des dissensions politiques. La vie politique au Liban est devenue otage de la guerre qui se déroule sur nos frontières. Seuls restent solides l'armée libanaise performante soutenue par les instances internationales et qui réussit à défendre la sécurité et la stabilité du territoire libanais, avec un secteur financier qui garde toujours la confiance de la diaspora libanaise et des institutions financières internationales.
L'engagement sur le chemin de la transparence fiscale est donc pris. Toutefois, pour que les actes prennent le relais des mots, nous comptons sur la compréhension de nos amis dans les instances internationales, tels à l’OCDE afin de pouvoir graduellement mettre nos engagements en application.
Permettez-moi de conclure:
Pour nous, banquiers, la lutte contre la fraude fiscale, ou toute autre fraude, fait désormais partie intégrante de notre métier. L’échange automatique d’informations s’inscrit dans le cadre de cet objectif de transparence fiscale au niveau international, visant notamment à une meilleure répartition des richesses et la réduction des inégalités sociales. Il va de notre honneur et mission en tant que banquiers et financiers de prendre les dispositifs nécessaires pour rendre notre secteur financier entièrement inclusif, s’attribuant le rôle du moteur de croissance afin d’aider les personnes les plus faibles économiquement à se développer. L’inclusion financière à laquelle nos banques contribuent énormément constitue l’une de nos priorités qui détermine notre raison-d’être professionnelle et en quelque sorte, notre contribution à faire la paix.
Je souhaite à notre conférence tout le succès voulu et vous remercie de votre attention.